L’Esprit Critique: Dernière modification le 21 juin 2025
Celui qui ne pose pas de questions n’apprend rien.
Proverbe africain
Dans un monde où l’information se répand à une vitesse vertigineuse et où les opinions divergentes se multiplient, la capacité à exercer un esprit critique est devenue une compétence de survie intellectuelle. Être capable de discerner le vrai du faux, l’essentiel de l’accessoire, ne concerne pas que les adultes : nos enfants aussi doivent apprendre à penser par eux-mêmes.
Mais cette capacité ne tombe pas du ciel. Elle s’apprend, et elle s’enseigne, dès le plus jeune âge. En tant que parents, notre rôle est de cultiver l’intelligence, la curiosité et le discernement de nos enfants, pour qu’ils grandissent en adultes responsables et autonomes.
1. Remettre en question : un apprentissage dès l’enfance
C’est le propre de l’esprit faible d’être impatient de convictions et de se complaire dans les opinions.
François de La Rochefoucauld
Une des dimensions essentielles de l’esprit critique est la remise en question des idées préconçues. Trop souvent, nous (adultes comme enfants) absorbons des opinions sans même les examiner. Pourtant, nous devons apprendre, et enseigner à nos enfants, à ne pas prendre pour argent comptant tout ce qui est dit, écrit ou entendu, même si cela semble logique ou correspond à nos attentes.
Je me souviens d’une phrase marquante de mon professeur de philosophie au lycée. Il disait :
« Je ne regarde pas les journaux. Ils ne rapportent pas la réalité, mais ce qu’ils veulent que nous croyions. »
Cette remarque, sur le moment un peu provocatrice, m’a profondément marqué. Elle m’a appris que chaque discours porte un angle, un intérêt, une intention. Ce n’est pas être paranoïaque que de le reconnaître : c’est faire preuve de lucidité.
C’est précisément cette lucidité qu’il nous faut transmettre à nos enfants. Même s’ils entendent une information qui leur plaît, il faut les inviter à s’interroger :
« Est-ce vrai ? Qui le dit ? Pourquoi ? Et qu’en pensent d’autres sources ? »
Encourageons-les à poser des questions, à rechercher la vérité par eux-mêmes, à douter de façon constructive. Un enfant qui apprend à penser devient un adulte qui résiste mieux aux manipulations et qui choisit son chemin en conscience.
Conseil aux parents : Quand votre enfant vous raconte quelque chose qu’il a vu ou entendu, ne répondez pas tout de suite. Demandez-lui : « Comment peux-tu vérifier ça ? » Cela l’entraîne à réfléchir et à ne pas tout accepter aveuglément.

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2. L’esprit critique pour mieux décider… et mieux vivre
Le doute est le commencement de la sagesse.
Aristote
Avoir un esprit critique, ce n’est pas seulement savoir analyser une information. C’est aussi savoir prendre des décisions réfléchies. Et nos enfants devront en prendre, tous les jours : dans leurs relations, leurs études, leur foi, leur avenir, etc.
Apprendre à réfléchir, c’est apprendre à choisir. Un enfant qui développe cette compétence saura peser le pour et le contre, anticiper les conséquences et éviter les pièges émotionnels.
Mais ce n’est pas tout. L’esprit critique contribue aussi au bien-être émotionnel. En apprenant à observer ses pensées, ses peurs, ses croyances, un enfant développe une meilleure connaissance de soi. Il apprend à gérer ses émotions avec plus de distance et de clarté.
3. L’art du discernement : un héritage noble
L’esprit critique, c’est l’art de voir les choses comme elles sont, et non comme nous voudrions qu’elles soient.
Albert Einstein
Il est tentant d’adhérer aux idées qui confirment nos opinions. Pourtant, l’esprit critique demande de se confronter aussi à ce qui dérange, à ce qui nous pousse à revoir nos positions.
Cette capacité de discernement était au cœur de l’attitude des grands savants de l’islam. Ils ne se contentaient pas d’écouter : ils vérifiaient, observaient, questionnaient la fiabilité de ceux qui transmettaient le savoir.
Une anecdote tirée de la vie d’Al-Boukhârî (un érudit) illustre parfaitement cette exigence de rigueur intellectuelle : « Al-Boukhârî arriva chez quelqu’un susceptible de connaître des hadith. Il resta chez lui des jours pour les recueillir. Avant de partir, il vit l’homme essayer de ramener à lui une jument qui avait rompu son attache et pris la fuite. Dans l’impossibilité de réussir à la faire revenir, il releva le giron de son habit feignant de lui présenter de l’orge ! La bête vint à lui et il s’en saisit. « Qu’avez-vous mis dans votre giron, lui demanda al-Boukhârî ? – Rien, dit l’homme, c’était une feinte pour l’attraper ! » Alors al-Boukhârî déchira ses feuilles et dit : « Celui qui a menti à une bête est capable de mentir sur le Prophète (ﷺ). »
Sahîh al-Boukhârî Éditions Al Qalama
Cette rigueur intellectuelle, cette exigence éthique, devrait inspirer notre manière d’éduquer nos enfants aujourd’hui.
Conclusion
« Mon père me demanda : « As-tu bien pris note ? » Je lui répondis que oui. Il me demanda alors : « As-tu examiné ce que tu as noté ? » Je répondis que non. Il me dit alors : « Alors, tu n’as rien noté ! » »
Hicham Ibn ‘Ourwah rapporté par Ibn Abi Chayba dans son Mousannaf, (9/111)
Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser nos enfants croire tout ce qu’ils entendent. Nous devons les former à penser, à douter avec intelligence, à chercher la vérité avec patience et rigueur. Un enfant qui développe l’esprit critique devient un adulte plus libre, plus résilient, et plus apte à construire une société juste.